Lettre aux travailleurs de l'humain

Publié le par Marie Juanna

Je vais commencer par vous raconter un petit bout de ma vie. J'ai bossé dans de la livraison de colis. J'ai beaucoup voyagé en stop avec un gros sac à dos. J'ai vécu sous tente sans matelas. J'ai fait les vendanges et j'ai même été percutée par une moto qui m'as laissé des fractures au bassin et au dos. Malgré tout ça, mes douleurs dorsales, c'est en 2 ans de travail en EHPAD qu'elles ont commencées. Et je ne suis pas Aide Soignante, le gros de mon boulot n'est pas de manipuler les patients. Jeune ergothérapeute, tout les principes de manutention étaient bien ancrées dans mes habitudes. S'approcher le plus possible de la charge, ne pas décaler les épaules du bassin, plier les genoux voir en mettre un au sol ou sur le matelas, utiliser le plus possible les capacités du patient ainsi que les aides techniques, boire de l'eau et s'étirer...

Les tactiques de gestes et postures ne sont pas un miracle. La réalité est bien que vous tous et toutes « petites mains » vous vous êtes déjà abîmés et allez continuer à le faire.

C'est triste et dangereux, parce que la plupart d'entre vous, pour avoir choisi un tel métier et continuer à le faire, vous êtes plein d'humanité par cette volonté d'aider votre prochain de préférence avec bienveillance.

Et pourtant, j'ai eu l'impression pour beaucoup de voir le même syndrome apparaître : on se fait mal, au corps physique, aux émotions auxquelles on est confrontées, au mental dans la façon de réfléchir. Et quand toutes ces douleurs deviennent trop présentes, on n'as plus de ressources , plus l'énergie pour faire ce travail de la façon dont on aimerait le faire. Déjà que l'Etat ne nous donne pas les moyens, le temps, les personnes nécessaires pour le faire. Lorsque nous perdons ainsi nos capacités, on devient aigri et mauvais, ce qui ne fait qu’aggraver toutes nos douleurs physiques, émotionnelles et mentales, ainsi que notre charge de travail. Dans un milieu humain, il n'y a rien de pire, mais c'est très courant.

Si je dit tout ça, c'est pour vous demander de mieux prendre soin de vous-même.

N'ayez pas honte d'être en arrêt de travail. C'est vital au bon fonctionnement de l'institution. Et ne revenez pas trop vite. Le plus intolérable que j'ai vu ici, c'est plusieurs de mes collègues venir bosser avec des os fêlés, des articulations gelées de douleurs, en boitant. Et j'ai fait la même bêtise. Je regrette de ne pas m'être battu contre ça. Nous devons nous soutenir et nous empêcher les uns les autres d'agir ainsi.

Mais l'arrêt de travail ne suffit pas, il faut avec savoir se reposer et chercher comment se soigner. Et ce n'est pas souvent simple. On le voit très bien en EHPAD, notre système médical n'est pas toujours compétent.

Je reviens un peu sur mon expérience : j'ai forcé de février à octobre en me disant que la douleur était dans ma tête. C'est seulement le 4e chirurgien que j'ai rencontré qui en a cherché l'origine, l'as trouvé et a su la soigner. Les deux premiers étaient partants pour m'opérer quand même. Ils auraient été de vrais charcutiers et m'auraient laissé encore plus abîmée et toujours douloureuse. J'en serais devenue folle ou au moins dépressive. Soyez donc très vigilant, écoutez votre corps, renseignez-vous et n'ayez pas toujours confiance en tout ce que diront vos médecins.

Prenez soin et vous et cherchez toujours à profiter de la vie. Ma solution actuelle est simplement de chercher un autre poste. On ne travaille pas bien dans l'humain quand on a plus envie d'y aller. Et dans ces secteurs humains, si on ne travaille pas bien, il y a encore plus à faire et c'est toujours plus difficile.

C'est la base de la vie, cherchez à être heureux, occupez-vous d'abord de vous-même, c'est le seul moyen d'être bon avec les autres, et les autres vous le rendrons naturellement. Au moins vos proches.

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