Vendredi 16 Décembre 2011

Publié le par Marie Juanna

14h02

Quelle course mes aïeux, quelle vie ! Quel beau jour pour une tempête, même si cette matinée aurait sûrement été plus simple sans.

Il y a une heure, mes dernières minutes de taff pour cette semaine : envoyer ce mail avec les récapitulatifs des commandes d'Eurodep d'hier et d'aujourd'hui à Jean-Jacques (avec un ordi plus lent que jamais) et gérer ce coup de téléphone de FedEx pour le client d'une tournée de Florent.

Achevé avec succès à 13h06.

Puis go boulangerie pour m'acheter de l'eau et un sandwich, je choisis de m'offrir un vrai cette fois (enfin, jambon-beurre-emmental quoi, pas juste une demi-baguette). La boulangère m'indique la route pour Gare du Nord où je comptais prendre le RER E pour Lazare.

Forcément j'hésite un peu au premier carrefour puis je me lance, m'envolant réellement sur cette passerelle élevée, ce pont propice aux rafales…

J'y croise un arrêt de bus, où, quel hasard, l'un d'entre eux a un terminus à St-Lazare. Je tente de comprendre l'affichage des horaires mais celui-ci est différent de ceux dont j'ai l'habitude. Je veux demander à la vieille femme qui attend mais elle ne m'entend pas. Tant pis, je vérifie au loin qu'il n'arrive effectivement pas puis je pars.

Mais voilà qu'à mi-route du 2e arrêt de ce bus, je vois celui-ci me passer devant ! Ni une ni deux, je pars en courant pour le sprint de ma vie. J'avais l'impression de ne pas avancer mais mes jambes portaient si loin du raisonnable sur cet asphalte trempé et ruisselant, et le rythme de mes pas n'avait jamais été si rapide.

Je chope juste à temps le bus en question, demande confirmation au chauffeur que je prends le bon quand même, et me voilà assise, me remettant de mes émotions.

Je me dis que du coup j'ai même l'occasion de me rouler un joint à l'abri du vent, en trouvant mon train de manger une fois arrivée.

Je déplace les gens debout pour aller m'installer au fond du bus et je roule.

Les deux derniers arrêts s'appellent "Gare St-Lazare". Le premier un truc comme "-Dunkerque" et rien au terminus. Je me dis que ce dernier est donc le mien. Je finis de rouler trois arrêts avant celui-ci. Etrangement, presque tout le bus descend à l'avant-dernier. Je me dis que les touristes ont entendu "St-Lazare" et se précipitent donc vers la sortie. Mais c'est bien moi qui étais dans l'erreur, car une fois le bus reparti nous voilà coincés dans un grand carrefour embouteillé (5 bus et une trentaine de voitures DANS l'intersection !), et comble de ruelle ironie, juste devant la gare SNCF. Et ça dure. Les secondes passent, puis les minutes. Il est environ 42, mon train part à 50 et rien ne bouge, à part les excités de klaxon. Mon chauffeur est terriblement calme, mais pour une fois je me dis qu'il pourrait bien lui aussi pousser du klaxon. Mais bon, ça aurait sûrement été inutile, non ?

Finalement, il s'engage à l'opposé de la gare et me dépose dans une petite rue, une intersection plus loin encore. J'allume mon joint et tire activement dessus. Les trottoirs sont tellement bondés qu'ils dégoulinent sur la route encombrée. Je vérifie rapidement mon chemin auprès d'un serviable serveur de café et m'élance à nouveau.

Me voilà enfin dans la gare, qui forcément commence par une longue série d'escaliers. Escalator blindé, je les gravis deux à deux. Une fois en haut, ma tête tourne. Bordel non, ce n'est pas le moment de faire un malaise. J'arrive en endroit connu, face au panneau "trains au départ" dont je dois m'approcher pour y lire les inscriptions. Mon joint que je ne jetterais pas est à la moitié et je continue à fumer. Un seul train pour 13h50, voie 1. J'y vais en marchant, contente de mes 4 minutes pour atteindre ma voiture.

Mais arrivée devant le quai, je ne lis pas "Rouen" parmi les stations. Je décide de retourner voir le tableau, puis de retourner voie 1 en me disant que puisque celui-ci est le seul à partir à 50, c'est forcément lui et je n'ai dû lire que la destination finale. Mais non, pas de Rouen indiqué.

Je m'adresse donc à un homme-SNCF repéré plus tôt, qui lui aussi m'a remarqué passer pressée trois fois devant lui en fumant. Il me dit d'aller voir le panneau au fond de la gare. Elle est si grande que je ne le vois même pas, le fond.

Je cours, zigzagant entre mes confrères sans excuses ni scrupules. Sans bousculer personne tout de même, je joue des hanches et saute au-dessus des valises. A mi-chemin, "accueil SNCF" se libère au moment où j'arrive à sa hauteur. Je tombe sur le gars impressionné "le train de 13h50 pour Rouen ?" "Au fond de la gare" "Merci beaucoup".

Je ne me rends même plus compte que je cours, que j'ai mal et que je devrais pas à avoir autant à me retenir de pisser deux jours après le début de cette grosse cystite.

J'aperçois enfin le bout et décidé de courir plus près des panneaux, et le premier que je regarde, la première ligne qui me tombe sous les yeux est celle de "Rouen – Rive Droite", encore mieux que dans mes rêves. Le quai est désert et un homme SNCF qui discute avec le chauffeur me lance un regard plein de reproches. Je cours, encore et encore. Devrais-je monter dans une de ces voitures première classe ? Une affichette "Le Havre" est scotché dessus, elle est rosâtre et ne m'inspire pas confiance. Mon souffle commence à ressembler à celui d'un jeune couple, le gars marche en se moquant gentiment et la fille court mignonnement en traînant sa petite valise à roulette. Tandis que je les dépasse, je l'entends dire "Si, on monte." Le mec rit. Il aimerait bien qu'elle loupe son train, c'est certain. Et elle n'a pas non plus envie de se battre de toutes ses forces contre l'idée.

Au final, je me jette dans la voiture 16, un homme est au téléphone, les toilettes femmes occupées. Je reste 5s debout puis choisi de m'affaler, faisant agréablement revenir un peu de sang pour ma tête.

Les portes se referment. Je n'ai encore pas composté mon billet mais je m'en fou royalement.

Finalement je vais pisser chez les hommes et profite d'être sur le trône pour confirmer le succès de mon périple à Maman & Charlène.

Ah le train. Ce confort. Je bois, me déshabille, je prends mes médocs, je mange. Mes pieds sont mouillés et je grelotte. Je suis en week-end. J'ai dans mes poches les pré-feuilles d'Eurodep annotées par Guillaume. Je demande un stylo pour écrire l'heure que je viens de passer.

A peine terminé, l'homme dont j'ai emprunté le stylo, qui est un brillant dessinateur, s'est préparé à partir. Je lui rends son stylo mais il me dit de le garder. Je m'en doutais un peu amis ce qu'il ne sait pas c'est que je pars maintenant aussi.

J'ai oublié de le remercier, il était visiblement trop pressé de descendre.

Charlène me dit qu'elle sera un chouille en retard et ça me fait rire tant c'est sans importance en cet instant.

Je m'installe sur une table de bar pour manger une clémentine, rouler une clope et continuer à profiter de ce stylo. C'est qu'il est beau en plus, violet avec inscrit "agglo de Rouen".

Je cherche un fumeur de roulés parmi ces cinquantenaires. Le concerné à l'air effrayé d'avoir été l'élu, mais rassuré quand il comprend que je ne veux de lui qu'une feuille à rouler.

Je devrais maintenant aller demander une feuille à écrire au bar, car l'actuelle est plus qu'exploitée et je n'en ai pas d'autres, et peut-être me payer un désert plus consistant et un café.

J'appel Charlène pour savoir combien de temps j'ai à attendre. Elle répond pas. Je vais donc m'installer.

Publié dans Feuilles Volantes

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